In girum imus nocte et consumimur igni

In girum imus nocte et consumimur igni
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dimanche 29 mai 2016

Pierre Belhassen - série Istanbul (2014)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du français Pierre Belhassen (b.1978), dont le travail s’inscrit dans une démarche à la fois documentaire et poétique. Sa vocation naît en 2005, lors d’un voyage à New York. Nourri de multiples influences – le cinéma, la littérature, la musique, la peinture, la bande dessinée… et bien sûr la photographie –, il cite aussi bien Bonnard que Chandler ou Kurosawa. 
P.B. - série Allogène (2014)

Du côté des photographes, ses références vont de Robert Frank à Josef Koudelka, de Saul Leiter à Alex Webb ou Trent Parke.
Belhassen dit voir la vie « comme un grand théâtre d’où peut surgir l’inattendu à tout instant, pourvu qu’on ouvre les yeux… ».
Dans cette photographie où tout est possible et fugace à la fois, il cherche avant tout « des instants de grâce ». Il aime se perdre dans le quotidien, creuser la surface des choses, saisir un geste, un regard, et donner à ces fragments de réalité une portée poétique : « Les choses ne sont pas vues parce qu’elles sont visibles mais, à l’inverse, visibles parce qu’elles sont vues », disait Diane Arbus en citant Platon. 
Habité par ce désir de beauté et cette conviction, empruntée à Saul Leiter, que la misère n’est pas plus profonde que le bonheur, Pierre Belhassen garde l’homme au cœur de son travail.
Avec ses images - ces paroles silencieuses - c’est à lui qu’il s’adresse : celui, pour reprendre les mots de Stig Dagerman, « dont le besoin de consolation est impossible à rassasier ».
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dimanche 22 mai 2016

Tsukioka Kogyo - Fireflies (1910)
Le vide-grenier du dimanche. Deux estampes de Kogyo Tsukioka (1869-1927), peintre et graveur de l’ère Meiji, fils adoptif et élève de Yoshitoshi  Tsukioka, dernier grand maître de l'estampe ukiyo-e.
Ce mouvement artistique de l'époque d'Edo (du 17e au 19e siècle) s'inscrit dans une période de prospérité et de paix qui va favoriser l'essor d'une nouvelle bourgeoisie urbaine.

T. K. - Autumn (c.1890)
Les sujets artistiques de prédilection seront désormais les scènes érotiques (shunga), les créatures fantastiques (yokai), le spectacle de la nature, ou celui des jolies femmes et courtisanes du "monde des fleurs et des saules". Mais Kōgyo est aussi et peut-être surtout connu pour ses représentations du théâtre nô, auxquelles il a consacré l’essentiel de son œuvre et qui feront peut-être l'objet d'une future publication. Ses séries de gravures et de peintures, parmi lesquelles Nōgaku zue (1897-1902), sont aujourd’hui considérées comme un témoignage précieux de cet art millénaire.

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samedi 21 mai 2016

Igor Madjinca - Hangover (2015)
Une image et des mots. Un cliché du photographe américain Igor Madjinca, découvert par hasard et dont je ne sais rien. Ce que j'ai pu voir de son univers ne me séduit guère, à l'exception de cette photo qui m'a rappelé ces quelques lignes de Malcolm Lowry, extraites de Au-dessous du volcan (1947).

Pour moi, j'aime conduire ma peine à l'ombre des vieux monastères, ma faute dans les cloîtres, sous les tentures, dans les miséricordes d'inimaginables cantinas où des convives  à la triste mine, des mendiants cul-de-jatte, boivent aux aubes dont la froide beauté de jonquille se retrouve dans la mort.
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dimanche 15 mai 2016

John Baeder - Magic Chef (1975)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre hyperréaliste John Baeder (b.1938), témoin majeur de la roadside culture américaine à travers ses représentations de cantines et de stations-service, tous ces lieux ordinaires du paysage urbain et suburbain des États-Unis qu’il élève au rang d’icônes. Baeder voyait ces lieux comme « les temples d'une civilisation perdue », et non simplement comme des restaurants où l’on s’arrête pour casser la croûte.

J.B. - John's Diner (2007)
Dans l'Amérique d'après-guerre, la voiture devient un élément-clé de l'identité nationale, largement accessible à la classe moyenne, et une nouvelle architecture fleurit sur le bord des routes. Influencé par la peinture réaliste et la tradition documentaire, ce que Baeder cherche à saisir - avec un mélange de nostalgie et de fascination - c'est la beauté et la poésie de ce quotidien. Pour lui, ces scènes de la vie américaine ne sont pas seulement des objets visuels mais des témoins de l’identité culturelle et sociale de son pays.
Dans le très beau livre qu'il vient de consacrer au peintre - John Baeder's Road Well Taken -, Jay Williams écrit : The Great American Road Trip of these years can be seen as a secular pilgrimage to find the American dream. In a sense, diners and mom-and-pop motels were like the medieval hostels where pilgrims could find a meal and a place on the way to an exalted destination.

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dimanche 8 mai 2016

Anna Voitenko - Untitled
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés de la photographe ukrainienne Anna Voitenko (b.1979).
Née à Kiev, elle s’est d’abord formée en ingénierie électrique à la Kiev Polytechnic University avant de poursuivre des études artistiques à la National House of Artists. Elle débute dans le photojournalisme en 2003 et collabore jusqu’en 2009 avec de nombreuses publications, en Ukraine comme à l’étranger.

A. V. - Iza, Carpathian Ukraine
Son travail associe rigueur documentaire et sensibilité humaniste. Elle n’est pas la seule, bien sûr – et nombre de photographes déjà présentés dans ce blog revendiquent la même double approche.
Mais pourquoi se priver d’en découvrir d’autres ? Chaque regard apporte sa nuance, et celui d’Anna Voitenko mérite pleinement qu’on s’y arrête.
Elle s’attache à la vie quotidienne de Kiev, des villages et des campagnes alentour, en révélant la dureté des existences ordinaires avec une poésie discrète. Sa série phare Iza (ci-dessus) est consacrée aux habitants d’un ancien village des Carpates, réputé pour ses artisans vanniers.
Les contrastes - silhouettes sombres, visages lumineux, fumées diffuses - inscrivent ces images dans la tradition de l’École de photographie de Kiev, évoquant notamment les paysages brumeux d’Oleksandr Ranchukov. Ce projet, à la fois réaliste et pictural, confère une portée universelle au quotidien et ouvre sur la compréhension, l’empathie, et l’espoir.

samedi 7 mai 2016

Charles-Amable Lenoir - Rêverie (1893)
Une image et des mots. L'image, c'est "Rêverie" (1893), un tableau de l'académique Charles-Amable Lenoir, élève de Bouguereau. Cette oeuvre fait partie d'une collection particulière.
Pour aller avec, j'ai choisi le Sonnet XVII de Neruda.

No te amo como si fueras rosa de sal, topacio
o flecha de claveles que propagan el fuego:
te amo como se aman ciertas cosas oscuras,
secretamente, entre la sombra y el alma.

Te amo como la planta que no florece y lleva
dentro de sí, escondida, la luz de aquellas flores,
y gracias a tu amor vive oscuro en mi cuerpo
el apretado aroma que ascendió de la tierra
.

Te amo sin saber cómo, ni cuándo, ni de dónde,
te amo directamente sin problemas ni orgullo:
así te amo porque no sé amar de otra manera,

sino así de este modo en que no soy ni eres,
tan cerca que tu mano sobre mi pecho es mía,
tan cerca que se cierran tus ojos con mi sueño
.

***

Je ne t'aime pas comme rose de sel, ni topaze,
ni comme flèche d'oeillets propageant le feu:
je t'aime comme on aime certaines choses obscures,
secrètement, entre l'ombre et l'âme.

Je t'aime comme la plante qui ne fleurit pas
et porte en soi, cachée, la lumière de ces fleurs,
et grâce à ton amour dans mon corps vit l'arôme
obscur et concentré montant de la terre.

Je t'aime sans savoir comment, ni quand, ni d'où,
je t'aime directement sans problèmes ni orgueil:
je t'aime ainsi car je ne sais aimer autrement.

Si ce n'est de cette façon sans être ni toi ni moi,
si près que ta main sur ma poitrine est la mienne,
si près que tes yeux se ferment sur mon rêve.

BK1
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dimanche 1 mai 2016

H.G. - Le coltineur (1882)
Le vide-grenier du dimanche. "Aller au charbon"..., c'est peut-être parce que le charbon a été le principal carburant de la révolution industrielle qu'est née cette expression.
En ce jour de Fête du Travail, voici en tous cas deux belles évocations du labeur ouvrier. 
C.M. - Les déchargeurs de charbon
(1875)

Le premier tableau est du peintre et pastelliste Henri Gervex (1852–1929) - ami de Maupassant et de Zola -, rattaché à la génération naturaliste de la fin du XIXe siècle ; il est visible au Musée de Lille. Le second est de Monet (1840–1926), l’une des figures centrales de l’impressionnisme ; il est conservé au Musée d'Orsay.
C'est la révolution industrielle. Sur ces deux tableaux le bleu du ciel a disparu dans les fumées d'usines; ils nous donnent à voir un monde gris et sale en marche vers la modernité.
JL1
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