In girum imus nocte et consumimur igni

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dimanche 29 août 2010

Hannah Starkey - Untitled (1998)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres de l'irlandaise Hannah Starkey (b.1971), photographe de la banalité, et qui revendique dans la pratique de son art l'attitude de la flâneuse.
Elle a étudié la photographie et le cinéma à la Napier University d'Édimbourg avant d’obtenir un Master en photographie au Royal College of Art de Londres en 1997.

H. Starkey - Untitled (1997)





Son histoire - elle a grandi pendant le conflit irlandais - est intéressante. Sa démarche également, qui l'amène à photographier principalement des femmes pour, dit-elle, "faire prendre conscience que l'on doit les représenter différemment." Ses images sont soigneusement cadrées et souvent baignées d’une lumière douce, pour saisir des instants de solitude, de contemplation ou d’interactions silencieuses - comme dans le premier de ces deux clichés ; elles nous donnent à voir des moments presque théâtraux du quotidien...
Vous apprendrez à vos frais qu’au cours du long voyage de la vie vous rencontrez beaucoup de masques et peu de visages, nous dit Pirandello.
KA1

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dimanche 22 août 2010

W. L. - La lectrice au perroquet
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre allemand Wilhelm Lachnit (1899-1962), lié aux avant-gardes de l’entre-deux-guerres. Issu d’un milieu ouvrier, il est formé à l’École des arts appliqués de Dresde auprès de Richard Guhr - l’un des principaux professeurs d’Otto Dix, qu’il rencontrera et dont l’influence marquera durablement son travail. D’abord proche de l’expressionnisme, Lachnit se tourne ensuite vers la Nouvelle Objectivité (Neue Sachlichkeit), ce courant des années 1920 qui délaisse l’exaltation lyrique au profit d’une représentation plus froide, plus analytique du réel.

W. Lachnit - Le pont (1922)
En 1924, il rejoint le Parti communiste allemand. Lorsque les nazis prennent le pouvoir en 1933, son œuvre est déclarée "dégénérée" ; plusieurs de ses tableaux sont confisqués, et une grande partie sera détruite lors du bombardement de Dresde en 1945.
Après la guerre, il participe à la fondation du Neue Gruppe avec Hans Grundig, autre représentant de la Nouvelle Objectivité, et reprend son travail dans une Allemagne divisée, avec une peinture plus intériorisée, toujours empreinte de tension et d’une grande rigueur formelle.

KW1
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samedi 21 août 2010

R. Orkin - American girl in Italy (1951)
Une image et des mots. Lors d'un voyage en Italie, la photographe débutante Ruth Orkin rencontre une autre jeune américaine, Jinx Allen, qui comme elle voyage seule à travers l'Europe. Elle la photographie dans une rue de Florence, alors qu'elle brave les sifflets et les regards appuyés de tous les glandeurs qui y traînent leur désoeuvrement et leur muflerie.
Cette photo sera publiée un an après pour illustrer un article de Cosmopolitan intitulé "Quand vous voyagez seule... Des conseils sur l'argent, les hommes, et la morale". 
Le harcèlement de rue a une longue histoire...

Les mots sont de William Thackeray, extraits de La foire aux vanités. Thackeray est aussi l'auteur de la nouvelle Barry Lyndon dont Kubrick fera un chef d'oeuvre au cinéma.
"Le sexe barbu est aussi âpre à la louange, aussi précieux dans sa toilette, aussi fier de sa puissance séductrice, aussi convaincu de ses avantages personnels que la plus grande coquette du monde."

PG1
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dimanche 15 août 2010

John Collier - Fire (nd)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre et écrivain préraphaélite anglais John Collier (1850-1934). Fils d’un écrivain, il appartient à cette génération d’artistes victoriens fascinés par le retour aux sources de l’art médiéval et de la Renaissance, et qui prônaient la précision du dessin, l’éclat des couleurs et la noblesse des sujets. Après ses études secondaires au collège d’Eton, fleuron des écoles anglaises, il intègre à Londres la prestigieuse Slade School of Fine Art, avant de poursuivre sa formation à Paris puis à Munich. À Paris, il rejoint l’atelier de Jean-Paul Laurens, célèbre pour ses compositions historiques et son style rigoureux, qui va profondément influencer sa maîtrise du dessin et son approche académique de la peinture.

John Collier - Lady Godiva (1898)

Collier fait partie des vingt-quatre membres fondateurs de la Royal Society of Portrait Painters, et j’ai longtemps hésité à publier ici l’un de ses nombreux portraits, tant plusieurs d’entre eux me plaisent particulièrement : celui de sa première épouse, Marian Huxley par exemple - artiste peintre elle aussi -, ou encore celui de Charles Darwin, tous deux réalisés en 1883. L’un de ces portraits fera peut-être l’objet d’une prochaine publication, associé à sa représentation de La Belle au bois dormant. Pour conclure, il faut rappeler que John Collier fut aussi un penseur engagé : rationaliste convaincu, proche des cercles intellectuels progressistes de son temps, il a notamment écrit sur le mariage et la condition féminine. Ses prises de position, en faveur d’un statut plus égalitaire entre hommes et femmes, s’inscrivent dans un mouvement d’idées déjà en plein essor à l’époque victorienne, mais qui restait encore minoritaire dans les cercles dominants.

ML3

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dimanche 8 août 2010

René Groebli - London (1949)
Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du suisse René Groebli (b.1927), pionnier de l'emploi du flou dans la représentation du mouvement, mais aussi du dye-transfer cher à William Eggleston.
Il assoit sa réputation en 1939 avec sa série Magie der Schiene (Magie du rail) qui le place d'emblée parmi les photographes majeurs de l'après-guerre. Il achète son premier Leica, et passe trois mois à Paris où il rencontre Brassaï et Robert Frank.
René Groebli - London (1949)

En 1954, deux ans après avoir épousé Rita Dürmüller, il réalise sa très belle série Das Auge der Liebe (l'oeil de l'amour). 
Il y documente leur séjour à Paris, dans un hôtel du quartier Montparnasse, avec des clichés d'une émouvante et délicate sensualité. Certains critiques ont voulu établir un parallèle avec le Sentimental Journey du Japonais Nobuyoshi Araki, consacré lui aussi à sa femme Yoko. Pour ma part je trouve ce rapprochement un peu hâtif : Araki me semble dépourvu de la finesse, de la pudeur et de la justesse émotionnelle que je perçois chez Groebli. Mais ce n’est là que mon sentiment.
À Zurich pourtant, où le Neue Zürcher Zeitung (NZZ) parle de pornographie, les photos font scandale. Le puritanisme calviniste coule en Suisse des jours heureux.
GL5
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samedi 7 août 2010

Georges Rinhart
Une image et des mots. En découvrant cette belle photographie (c.1925) de George Rinhart, je me suis souvenu d'un poème de Georges Perros qui m'avait déconcerté par sa tonalité et par sa forme mais qui pourtant - ou peut-être aussi pour cette raison - m'avait durablement marqué.
En voici un extrait:

"Elle se croyait en bateau
C’est vrai nous allions en Égypte
Elle s’ennuyait et un soir
après avoir pris frais marin
me dit Ah tu n’es pas un homme
Elle me tutoyait soudain
parce qu’au bord de sa cabine
elle me proposait d’entrer
d’un air à en avoir plusieurs
et que je refusai L’envie
d’être seul me bouleversant
comme il arrive très souvent
chez les natures dans mon genre
Puis je n’aimais pas son mari
acteur comme elle était actrice
et n’avais nul désir d’aller
où cet homme trouvait prétexte à jouir
Bien sûr je me tus
sur les raisons de mon refus
et préférai la décevoir
sur ce bateau par un grand soir
où nous nous croyions sur la mer
alors qu’en fait l’amour n’a pas
de lieu privilégié pour naître…
[…..]
Enfin ce fut Alexandrie
le moins du monde ma patrie
assiette plate au ras des flots
si contraire à toi l’Angleterre
comme une gorge en mal d’angine
raide en sa toute autorité
Et l’immense terre d’Afrique
nous prit dans son odeur de bouc
bakchich monsieur et la misère
de tous ces gosses mains tendues
vers les nôtres occidentales
Au Caire elle revit les siens
et moi les miens dire personne
serait peu tant les comédiens
avec lesquels je travaillais
à dire deux mots dans Molière
m’étaient étrangers Je partis
visiter Louxor et les Rois
Elle tint à m’accompagner
aucun de ses amis n’ayant
goût pour ces très hautes merveilles
Ce fut notre dernier voyage
Je la laissai reprendre corps
elle avait du tempérament
mais je n’aime pas qu’on me presse
Toute femme est un aliment
d’abord à sentir caresser
avant l’avalement des restes
Il m’arrive de la revoir
dans les journaux car elle joue
toujours Phèdre et Bérénice
Tant mieux pour elle et salut bien
."
ML2

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dimanche 1 août 2010

Chris Killip - Seacoal Beach (1982)

Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe anglais Chris Killip (b.1946), figure majeure de la photographie documentaire et témoin incisif des bouleversements sociaux dans l’Angleterre post-industrielle.

C.K. - Seacoal Beach (1982)






En s'immergeant pendant près de vingt ans dans les communautés ouvrières du nord et du nord-est de l'Angleterre, il a porté un regard lucide et compatissant sur la brutale désindustrialisation de son pays, et les ravages qu'elle a causés chez les laissés-pour-compte du monde nouveau. Mineurs, punks, pêcheurs, familles dans des cités en ruine, c'est un peuple ravagé par les politiques néo-libérales des années 70 et 80 que Killip nous invite à connaître. Des pauvres à la dérive ou qui luttent pour leur survie, comme ici les pêcheurs de charbon de Lynemouth, dans le Northumberland. Ses images en noir et blanc, d'une grande rigueur formelle, restituent sans pathos le quotidien de ceux dont il partage l'existence pour construire une oeuvre documentaire profondément empathique.
Son livre In Flagrante (1988), aujourd’hui culte, demeure un document poignant sur les fractures sociales de cette époque. I wanted to record people's lives because I valued them.

RP1 ICI