dimanche 28 avril 2013

R. M. - L'empire des lumières (1954)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du peintre surréaliste belge René Magritte (1898-1967). Il abandonne ses études en 1915 et, l’année suivante, à 18 ans, entre à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles où étudie aussi Paul Delvaux.
En 1922, il découvre le milieu du Dadaïsme grâce au poète Marcel Lecomte, puis peu après, à l'écrivain Camille Goemans et à Édouard Mesens qui est l'un des fondateurs du mouvement en Belgique. Il a, grâce à eux, une révélation en découvrant le "Chant d'amour" de Giorgio de Chirico.. "Mes yeux ont vu la pensée pour la première fois".
R.M. - Les fleurs du voyage
(1926)

De 1924 à 1928 les projets se succèdent, dessins publicitaires, aphorismes et collaborations à la revue dadaïste 391 de Francis Picabia, dans toute la turbulence créative qui voit l'avènement du groupe surréaliste de Bruxelles, rejoint par Louis Scutenaire et Irène Hamoir. Magritte ne cherche pas l’onirisme flou d’un Dalí ;  derrière ses compositions d’une clarté presque publicitaire, il installe des glissements, des contradictions, des rencontres improbables qui viennent fissurer le réel. « Peindre, disait-il, c’est voir le monde autrement. »
De 1927 à 1930, Magritte séjourne en France, et il y rencontre les Surréalistes français, mais cela se terminera par une brouille provoquée par Breton. La liberté, c'est la possibilité d'être, et non l'obligation d'être. René Magritte rentre en Belgique en 1930 et le reste appartient à l'histoire.

dimanche 21 avril 2013

C. Mydans - Texas (1937)
Le vide-grenier du dimanche. Deux clichés du photographe américain Carl Mydans, dont voici les titres complets : Daughter of migrant workers in Raymondville, Texas, et Marketplace in New Orleans, Louisiana.
Pionnier du photojournalisme, Mydans est connu pour son travail documentaire sur la Seconde Guerre mondiale - en particulier la guerre du Pacifique, avec la chute de Manille et la reddition du Japon - ainsi que sur de nombreux conflits et événements marquants, de la guerre de Corée et du Vietnam au Civil Rights Movement aux États-Unis.
"I don't believe in just taking a picture, I believe in telling a story".
C.M. - Louisiana (1936)

Il débute sa carrière à la Farm Security Administration, créée dans le cadre du New Deal de Roosevelt pour documenter la vie et les luttes des paysans américains frappés par la Grande Dépression - un dispositif que j’avais déjà évoqué ici en décembre 2011. 
Cette expérience aura un impact décisif sur son approche : Mydans y forge un regard profondément humain, alliant engagement social et rigueur esthétique, attentif aux détails comme à la dignité de ses sujets. "Good pictures tell a story, they evoke emotion and they communicate something that words alone cannot".

samedi 20 avril 2013

Joan Miró - Étoile bleue (1927)

Une image et des mots. 
L'image est un tableau de Joan Miró (1893-1983), qui m'a simplement fait penser à un poème de Paul Celan (1920-1970).

Une étoile de bois, bleue,
faite de petits losanges, aujourd'hui, par
la plus jeune de nos mains.
Le mot, tandis que
tu fais tomber du sel de la nuit, le regard
de nouveau cherche la galerie du vent :
- Une étoile, entre-la,
entre l'étoile dans la nuit.
(- Dans la mienne, dans la mienne).

dimanche 14 avril 2013

Fred - Philémon
Le vide-grenier du dimanche. Une planche du dessinateur et scénariste français Fred, pseudonyme de Frédéric Othon Théodore Aristidès (1931–2013), créateur de l’inoubliable Philémon et figure très singulière de la bande dessinée francophone. Né à Paris dans une famille d’origine grecque, il se lance dans le dessin de presse dans les années 1950 avant de fonder Hara-Kiri en 1960 avec Choron et Cavanna, puis de participer à partir de 1965 à l’aventure de Pilote. C’est là qu’apparaissent Philémon, Barthélémy, l'âne Anatole et l’île du A de l'Atlantique, et, avec eux, un univers à la fois absurde, poétique et doucement subversif.
Fred, que j'avais présenté en janvier dernier à l'occasion de la clôture du Festival d'Angoulême, nous a quittés le 3 de ce mois ...  C'est un artiste que j'aimais énormément.

dimanche 7 avril 2013

Maruyama Ōkyo - Papillons (1788)

Le vide-grenier du dimanche. Deux oeuvres du  japonais Maruyama Ōkyo (1733-1795), figure majeure de la période Edo et déjà présenté ici en février 2009. 

Maruyama Ōkyo
Encre et peinture (1771)
Maître attentif aux leçons de la nature, il introduit dans la peinture nippone des innovations techniques qui marquent durablement son époque : l’usage subtil des ombres pour suggérer la profondeur, et celui de la couleur pour renforcer le réalisme des sujets.Derrière cette maîtrise, une conviction simple : Painting is the mirror of the heart. Chez Ōkyo, chaque feuille, chaque vol de papillon ou d’oiseau, chaque reflet d’eau semble filtré par ce regard direct, sans emphase, où la précision devient une forme de poésie.

samedi 6 avril 2013

Jason deCaires Taylor - Inertia
Une image et des mots. Une des sculptures, "Inertia", de l'anglais Jason deCaires Taylor, immergées dans son musée sous-marin de Cancún, le Musa. Pour l'accompagner, un extrait de Tristes tropiques de Claude Levi-Strauss.

"Voyages, coffrets magiques aux promesses rêveuses, vous ne livrerez plus vos trésors intacts. Une civilisation proliférante et surexcitée trouble à jamais le silence des mers. Les parfums des tropiques et la fraîcheur des êtres sont viciés par une fermentation aux relents suspects, qui mortifie nos désirs et nous voue à cueillir des souvenirs à demi corrompus.
Aujourd'hui où des îles polynésiennes noyées de béton sont transformées en porte-avions pesamment ancrés au fond des mers du Sud, où l'Asie tout entière prend le visage d'une zone maladive, où les bidonvilles rongent l'Afrique, où l'aviation commerciale et militaire flétrit la candeur de la forêt américaine ou mélanésienne avant même d'en pouvoir détruire la virginité, comment la prétendue évasion du voyage pourrait-elle réussir autre chose que nous confronter aux formes les plus malheureuses de notre existence historique ? Cette grande civilisation occidentale, créatrice des merveilles dont nous jouissons, elle n'a certes pas réussi à les produire sans contrepartie. Comme son oeuvre la plus fameuse, pile où s'élaborent des architectures d'une complexité inconnue, l'ordre et l'harmonie de l'occident exigent l'élimination d'une masse prodigieuse de sous-produits maléfiques dont la terre est infectée. Ce que d'abord vous nous montrez, voyages, c'est notre ordure lancée au visage de l'humanité.
Je comprends alors la passion, la folie, la duperie des récits de voyage. Ils apportent l'illusion de ce qui n'existe plus et qui devrait être encore, pour que nous échappions à l'accablante évidence que vingt-mille ans d'histoire sont joués.
Il n'y a plus rien à faire : la civilisation n'est plus cette fleur fragile qu'on préservait, qu'on développait à grand peine dans quelques coins abrités d'un terroir riche en espèces rustiques, menaçantes sans doute par leur diversité, mais qui permettaient aussi de varier et de revigorer les semis. L'humanité s'installe dans la monoculture, elle s'apprête à produire la civilisation en masse, comme la betterave. Son ordinaire ne comporte plus que ce plat
."
Dans quel océan de laideur et de médiocrité nous sommes-nous plongés ?